vendredi 14 août 2015

LA galère du voyage





Le lendemain nous nous rendons dans ce fameux lit de rivière asséché et croisons beaucoup d’indices de la présence des éléphants (traces, bouses,…) Nous sommes donc optimistes à l’idée d’en croiser plusieurs. Bien que le lit de rivière soit un peu leur garde manger, les éléphants du désert et leurs pattes plus fines que leur cousin des plaines peuvent parcourir jusqu’à 60km pour se nourrir. Ceci explique peut-être que nous en ayons vu qu’un seul broutant au calme, après trois longues heures de recherches intensives. Remotivé par cette rencontre, nous poursuivons un peu notre chemin dans le lit du fleuve en espérant croiser d’autres pachydermes. A tel point que nous nous en oublions même de rejoindre la piste que Louis nous avait indiquée. Au bout de quelques instants nous quittons le sable pour une zone beaucoup plus humide, marécageuse même, où poussent des bambous. Nous commençons à franchir quelques petites flaques qui ne nous inquiètent pas plus que ça, puis finissons par renoncer devant une très grosse flaque sans sortie. Nous empruntons donc un autre chemin, tout aussi boueux au milieu des bambous, jusqu’à ce que la quantité de boue me surprenne à la sortie d’un virage dans lequel j’étais engagé et où je ne voulais pas m’arrêter. On tente de passer et…

Ça ne passe pas !

 

Il est 12h et nous voilà donc bloqués dans la boue, un joli mélange de glaise, d’argile et de flotte. Un truc qui colle bien donc ! Deux roues sont largement embourbées, quasi jusqu’à la moitié et la voiture repose sur son châssis au milieu. On pense tout de même pouvoir s’en sortir seuls et rapidement. Je reste sagement au volant en écoutant les instructions des copains qui tentent de dégager les roues embourbées. Deux heures plus tard, Quentin et Valentin se proposent d’aller chercher de l’aide tandis que nous continuerons d’essayer de dégager les roues. Bien que nous soyons entourés d’eau, la région est relativement désertique et asséchée. Nous leurs donnons donc un maximum d’eau pour tenir jusqu’au lendemain si besoin.

Par miracle ils ont croisé le 4x4 d’une famille française qui réalisait le même parcours que nous, mis à part qu’eux étaient équipés d’un GPS leur indiquant une zone marécageuse là où nous étions. Dommage ! Après être venus constater notre situation, la famille à bien voulu les conduire au camp où ils ont prévu de passer la nuit, mais pas à Uis (la grande ville d’où nous venions se situant à quelques 100kms et là où il aurait été facile de trouver de l’aide). Une main tendue ne se refuse pas ! Les garçons acceptent et après une longue route avec les enfants sur les genoux, ils se retrouvent à la tombée de la nuit dans un camp au milieu de nulle part.

Là, Quentin prend les choses en main en expliquant à l’accueil la situation et en demandant les solutions envisageables. Elles sont peu nombreuses : pas de moyen de locomotion, pas de téléphone et de toute façon aucun numéro utile à appeler. Le gars essaye quand même d’appeler son patron… sans succès. Quentin et Valentin retournent voir les français qui leur donne leur position GPS, sait-on jamais. Une douche bien méritée avant de négocier une nuit dans le mini musée de conservation des rhinos, sur des lits de camp, au beau milieu des crânes La classe ! En nous sachant perdus au beau milieu d’’un marécage pour la nuit, la leur n'a pas été de tout repos.

Pendant ce temps-là, à la voiture, nous avions creusé jusqu’à la nuit tombée avant de nous rincer un minimum et de nous enfermer dans la voiture pour la soirée. Au programme : bières, vin, un peu de maïs et un bon film. Ou comment passer une bonne soirée avec deux potes et coincés dans un marécage. Après avoir presque bien dormi à trois dans la voiture, nous avons été réveillés par la chaleur. Nous nous sommes vite remis au travail, en dégageant les roues à la main, à la pelle-bêche (qui cassera vite) et à l’aide du cric, de bois et de pierres. Nous avançons à pas de fourmi, et chaque tentative pour sortir la voiture semble creuser encore un peu plus dans la boue. Et, plus le temps passe, plus nos réserves d’eau diminuent… Nous espérons vraiment les voir vers midi.

Du côté de nos (futurs) sauveurs, Quentin et Valentin : ils se sont levés à l’aube, ont essayé de trouver une solution avec le gars de l’accueil et finalement pris une décision : marcher les 10kms qui les séparent du grand carrefour où passe la route pour Uis, et d’où ils pourront apparemment facilement se faire prendre en stop. Avec sept litres d’eau (au goût immonde) sur eux, ils vont marcher deux heures sous la chaleur assommante, marquant leur chemin avec des pierres. Ils sont absolument tout seuls si on ignore les oryx, les autruches et les springboks qu’ils ont croisés. Ça aurait été beaucoup moins drôle s’ils n’avaient pas aperçu des empreintes de lion… Heureusement pour tout le monde, le lion dort la journée et chasse la nuit. Ouf ! Une fois au carrefour, ils attendent… encore et encore… pendant une heure… jusqu’à avoir l’impression de perdre leur temps et ils finissent par rebrousser chemin, à pied. Leur retour fût un calvaire, Val’ est à bout, il a une insolation, il perd ses forces et a la nausée… Il lui devient de plus en plus dur d’avancer. Bien sûr, grâce au soutien de Quentin, ils arriveront à rentrer, et Val’ filera sous la douche avant de s’endormir juste après. Ils se verront même offrir des conserves de pâté, qu'ils dégusteront avec le plus grand bonheur. Finalement, vers 13h, Quentin arrive à joindre le patron avec le téléphone satellite, et celui-ci contact des dépanneurs. Ils arriveront au camp vers 17h. De l’AIDE ! YOUPI !

Les deux dépanneurs, Trévor et Roméo (les prénoms ont été changés parce qu’on a rien compris !) possèdent un vieux pick-up tout déglingué, avec un moteur qui déchire. Tout simplement ! Trévor semble être le chef, (le blanc en plus…) avec sa gueule marquée par la vie et des bras et des mains de titans. Roméo, le black, est plus jeune, et semble être plus ou moins l’apprenti. Ces deux-là embarquent Quentin dans la cabine et Val dans la benne. Guidé par Quentin qui n’avait fait la « route » qu’une seule fois, ils rouleront à tout burlingue, en absorbant toutes les bosses, (là où nous roulions à 20 km/h la veille), en vérifiant que Val était toujours derrière, bien accroché. En plein rallye, ils ont tout de même voulu faire une pause pour… shooter des suricates ! Il semblerait que la technique soit simplement de jeter des pierres dans le terrier. Sans vrai succès ! Mais au moins, cette étonnante envie soudaine, a un peu détendu et amusé Quentin et Valentin.

Environ 19h : Romain entend un vrombissement au loin, qui s’intensifie de plus en plus, puis des lueurs dans le ciel. Pas de doute ce sont des phares ! Une voiture ici, à cette heure-ci, ça ne peut être qu’eux ! Wouhouuuuuu !! Nous voilà tous réunis ! Il était temps !

A la voiture, cette après-midi-là, nous avons encore essayé de dégager notre carrosse, sans succès forcément. Nos mains et nos ongles nous font mal, nos genoux sont écorchés, nous sommes atrocement sales, et de plus en plus fatigués par la chaleur et le manque d’eau. A midi, nous nous offrons une pause pour manger une conserve de maïs avec son eau que l’on boit avec grand plaisir.

Cette après-midi-là, voyant qu’il ne nous restait plus qu’un litre d’eau, j’ai décidé de tenter ma chance en rebroussant chemin dans le lit de la rivière en espérant croiser une voiture qui voudra bien remplir d’eau mon bidon vide de 5 litres. Une fois sorti de la zone marécageuse, il fait encore bien plus chaud, et j’ai vraiment l’impression de traîner mon corps de zone d’ombre en zone d’ombre. Je regarde mes pieds, et je m’aperçois que je suis bien le seul à laisser mes empreintes de pas ici, si ce n’est toutes les empreintes animales que nous n’avions pas forcément vues en voiture : gazelles et gros félins ! Peu importe, ce n’est l’heure de dîner pour personne ! Je reste tout de même attentif au moindre bruit de voiture (ou d’animaux) qui pourrait se trouver dans le coin. Je marche durant une heure, jusqu'à l'endroit où nous avions croisé l’éléphant. Il ne semble plus être là, du moins je ne le vois pas. Aucune trace de vie humaine, malgré mes « Hého ! » occasionnels. Aucune réponse ! Il faut que je garde assez de forces pour pouvoir rentrer sans eau, alors j’entreprends le chemin inverse. Je ne croiserai personne non plus mis à part un couple de grand kudu. Nous nous sommes regardés, comme si nous nous disions « On ne se veut pas de mal, chacun veut partir de son côté ! ». C’est ce qui se passa. Me voilà donc de retour à la voiture, assoiffé et sans eau, mes lèvres sont sèches et blanches !

A cet instant, je me motive à essayer de faire de l’eau potable. Nous sommes dans des marécages donc de l’eau, il y en a,… mais elle stagne et accueille même parfois un peu de vie. Qui ne tente rien n’a rien, je prends une conserve, récolte le dessus des flaques d’eau (là où elle est censé être la plus claire), la renifle et en goutte une micro gorgée : c’est de bonne augure, elle est inodore, incolore, et malgré son aspect sirupeuse, elle n’a pas un goût affreux. Pourtant, après l’avoir mise à bouillir sur notre gaz, pour en éliminer toutes les bactéries, elle se transforme en une solution blanchâtre à la l’odeur nauséabonde ! Raté ! Nous ne boirons pas cette chose !

Comme un miracle c’est à ce moment-là (19h) que les dépanneurs sont arrivés avec Quentin et Valentin. Enfin sauvés !

Mais ce n’est que le début, puisqu’il faut encore sortir notre voiture de là ! Mais les pros prennent les choses en main. Trévor et Roméo sortent du vrai matos, des crics de garages, une vraie pelle, des planches de 3m de long et une énorme corde. Ils constatent la misère dans laquelle je nous ai mis et commence à s’y mettre. Ils soulèvent la voiture avec le cric en appui sur les planches, comblent les trous avec des pierres et on recommence. Les mecs sont efficaces ! Nous, nous les aidons comme nous le pouvons, en les éclairant, en allant chercher des pierres et en leur offrant des clopes de temps en temps. En 10 minutes ils sont dégueulasses, nos frontales que nous leur prêtons aussi, mais ils en ont plus fait que nous en toute une journée. Le respect s’impose ! Allez, premier essai pour sortir la voiture de là, une grosse corde tendue entre les deux 4x4, leur pick-up s’élance en libérant tous ses chevaux d’un coup et… CRAC ! La corde se rompt, et vient enfoncer l’arrière du coffre de notre voiture qui n’a pas bougée… Peu importe, nous ne sommes plus à ça prêt !

Quelques coups de crics et de pelles plus tard, nouvel essai. C’est le bond !!! Notre voiture se fait traîner sur quelques mètres par le puissant pick-up pour nous sortir complètement de la boue. On crie HOURRA !!! Trévor prend le volant, pour faire la marche arrière délicate et nous sortir définitivement de ce pétrin. Et là, malheur, alors que Quentin lui dit de faire attention au trou de boue que nous avions évité à l’aller, Trévor n’y prête pas attention et plante la voiture dedans… ET M*RDE !

Bon, ben on recommence les manœuvres crics, planches, pelles, pierres et pendant de longues heures, nous essaierons diverses solutions : avec quelqu’un au volant ou non, en poussant ou pas… Nous y passerons beaucoup plus de temps que la première fois. A tel point qu’au bout de quelques essais ratés, Trévor nous annonce qu’il n’a plus d’idée mais qu’il tente une dernière fois avant qu’on aille tous passer la nuit quelque-part au sec pour revenir demain. On y croit encore un peu !

Le pick-up s’élance, commence à entraîner la voiture, mais pas suffisamment pour franchir le haut du trou dans lequel elle est. Au second élan, on se met tous derrière pour la maintenir en position et Roméo demande à Trévor de remettre les gaz rapidement. Il s’exécute et la voiture bondit hors de son trou ! Cette fois c’est la bonne ! Il est 22h, et après plus de 30h coincés, nous quittons l’enfer !

De nouveau tous les cinq dans le 4x4, nous devons suivre Trévor jusqu’à la prochaine grande ville pour les payer. Notre convoi se lance donc dans la nuit à la recherche des pistes qui nous ramèneront à Uis, et sans GPS ce n’est pas évident. Minuit arrive, et Trévor finit par demander notre chemin dans un camp en réveillant un mec dans l'une des deux pauvres tentes plantées là. Pour en rajouter encore un peu, nos amis ont cassé une pièce sur leur pick-up qui les empêche de rouler à plus de 30km/h… 

Donc à 3h du mat’, nous sommes toujours sur des pistes et on finit par demander à dormir à côté du camp d’un ferrailleur et chercheur de belles pierres.

Le réveil sonne à 6h, les gars sont debout depuis un bon moment apparemment, malgré une nuit coincés à deux dans leur voiture. Ils finissent de scier et souder une rapide réparation pour leur 4x4 afin de pouvoir rouler correctement. On partage quelques tartines avec eux pour le p’tit déj’ avant de prendre la bonne route, indiquée par le chef des lieux !

 

Cette sale aventure se terminera finalement à 10h, à Henties Bay, à une centaine de kilomètres au sud d’Uis (puisque aucun distributeur ne fonctionnait à Uis). On paye notre sauvetage avec même un petit pourboire pour nos deux secouristes qui y ont vraiment laissé de leur personne. Puis, « carwash » pour la voiture, un resto pour nous, une nuit dans un camp avec une bonne douche chaude et une nuit AU SEC TOUS ENSEMBLE !


Voilà comment une bonne grosse galère qui laisse des traces, est un sacré souvenir !



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