dimanche 2 novembre 2014

La mine de Potosi

Potosi est la ville de plus de 100 000 habitants la plus haute du monde avec ses 4090 mètres d’altitude.

Arrivés en fin de journée, nous avions pour objectif de booker notre visite de la mine de Potosi le lendemain. Si le Routard invite à s’interroger sur la visite de la mine, où des personnes y travaillent et y meurent, nous avions envie de se confronter à cette réalité, en tentant de rester les plus discrets possible. Ayant fait plusieurs agences, nous décidons de partir avec Big Real qui est une agence d’anciens mineurs, nous aurons donc un retour d’expérience sincère et peut être plus vivant qu’avec un guide professionnel. Effectivement Wilson, notre guide, a travaillé 21 ans dans la mine.

La mine est creusée au cœur du Cerro Rico (montagne riche) qui est la montagne qui domine Potosi. Elle est exploitée depuis le XVIème siècle et l’arrivée des Espagnols, grâce aux informations fournies par Huallpa qui aurait découvert la mine suite à la disparition de ses lamas. En les cherchant, il aurait passé la nuit dans la montagne et en faisant du feu pour s’éclairer, aurait fait briller tous les minéraux. On dit aussi qu’elle aurait été d’abord découverte par un Chef Inca mais Pachamama lui aurait envoyé le message selon lequel son exploitation n’est pas faite pour les Incas. Sous la domination espagnole, les indigènes ont été exploités dans cette mine.

Cette énorme montagne est une mine de minéraux, surtout d’argent, de plomb et de zinc, mais pas uniquement. Elle a fait la fortune de Potosi et a dégagé de profits colossaux, dont beaucoup ont été gaspillés par les Espagnols tandis que la France en a bénéficié. Exploitée donc depuis plus de 400 ans, elle l’est toujours aujourd’hui, avec plus de 10 000 personnes qui y travaillent. Cela dit, Potosi a perdu de sa grandeur et les recettes sont aujourd’hui moindres.


La mine de Potosi est aujourd’hui pour partie privée, pour le reste, divisée en coopératives de mineurs.

Départ à 8h45 pour la visite, nous faisons d’abord un arrêt au Marché des Mineurs. C’est l’endroit où les mineurs s’achètent leur propre matériel (dynamite, masque, pioche, etc.), mais aussi de quoi supporter le travail comme des boissons, des cigarettes, des feuilles de coca par exemple. En effet, les feuilles de coca sont consommées par tous les mineurs ou presque. Si elles ne rendent pas plus fort, elles permettent de mieux supporter le travail. Sous la domination espagnole, les feuilles de coca ont été d’abord interdites, mais se rendant compte des vertus sur leurs esclaves, les conquistadores les ont autorisées de nouveau, tout en en gérant le business. Les indigènes n’avaient ni nourriture ni eau et travaillaient 48h de suite, la seule solution pour tenir ce rythme était donc de mâcher sans cesse des feuilles de coca. « Ainsi les esclaves achetaient à leurs maitres la drogue leur permettant de supporter l’esclavage. »

Sur ce marché, il est proposé aux « visiteurs » (c’est mieux que touristes...) d’acheter des choses sur le marché et de les offrir aux mineurs croisés dans la mine.

La seconde étape de la visite est la raffinerie. C’est l’endroit où toute la roche est apportée. Elle est broyée avec de l’eau grâce à d’énormes cylindres puis elle est mélangée à des solvants afin de faire remonter les minéraux. Ensuite, ceux-ci sont séchés au soleil afin d’obtenir une poudre. Dans cette poudre, les minéraux sont mélangés, mais dans la raffinerie visitée, on ne s’occupe pas de les séparer, ils sont vendus en l’état. Nous avons compris que le reste de roche est rejeté dans la nature, sur la colline voisine, certainement avec les solvants utilisés… Par ailleurs, la montagne elle-même est particulièrement sale, beaucoup de déchets jonchent ses flancs. Même l’intérieur de la mine est sale, ce que portent les mineurs est suffisamment lourd pour ne pas s’encombrer de déchets supplémentaires… les bouteilles en plastique restent donc dans ce labyrinthe de galeries.

Enfin, nous pénétrons dans la mine par l’une des entrées (il y en a plus de mille). J’ai oublié de vous dire qu’avant d’entrer dans la mine, nous nous sommes équipés ! D’épaisses bottes en caoutchouc, un pantalon et une chemise de protection nous ont été remis, mais surtout un masque et un casque avec une lampe frontale. De vrais petits mineurs … Nous avons marché en tout 2h dans la mine, d’abord le long de rails sur lesquels sont poussés les chariots pleins de roche, puis sur le sol brut. En effet, dans la mine il y a trois moyens de transport : le dos, la brouette et les wagons.

















Les mineurs creusent soit à la pioche (comme à l’époque coloniale), soit à la dynamite, soit au marteau piqueur. Ensuite, soit ils chargent directement la roche dans des chariots, soit ils remplissent d’abord des sacs en plastique très épais, qu’ils avancent vers la sortie à la brouette, puis qu’ils chargent sur les chariots. Si en descente le contrôle du chariot nécessite de la maitrise, en montée, il ne faut pas moins de 4 hommes pour pousser et tirer le chariot …


Nous avons pu assister à l’ensemble de ces étapes : le port des roches à dos d’homme, la pousse d’un chariot d’une tonne, le contrôle du chariot en descente (et là je vous assure qu’il faut se faire mince le long de la paroi), le transport à la brouette, le chargement des sacs sur le wagon, l’utilisation du marteau piqueur, mais aussi l’utilisation de la dynamite… Nous entendions le bruit des déflagrations et sentions leur souffle… stupéfiant …


Les mineurs que nous avons vu (et tous les autres) fournissent de tels efforts physiques … La chaleur, la fatigue et la souffrance se lisaient sur leur visage. L’un des mineurs était dans la mine depuis 3h du matin, il était 11h, il semblait juste à bout de force, mais continuait de charger son dernier wagon, qu’il faudrait remonter après … On se demande peut être pourquoi des hommes et des enfants (le plus jeune a 11 ans, pourtant officiellement il est interdit de travailler dans la mine en dessous de 18 ans) continuent de faire ce travail de forçat. Tout simplement parce que cela peut rapporter beaucoup, près de 3000 bolivianos par mois, soit plus du double du salaire moyen.

A cela il faut rajouter les galeries qui ne sont pas toujours très hautes, les échelles à la verticale, il faut progresser penché à la lumière de sa frontale, dans la boue ou les poussières. Bref, nous avons apprécié « être » des mineurs le temps de quelques heures, mais la réalité est vraiment difficile pour tous ces travailleurs.



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